Harlem shake

Salut !

Aujourd’hui nous avions l’intention de visiter Harlem et tout l’Upper Manhattan (et, encore une fois, on a eu les yeux plus grands que les pieds parce qu’on a fait une toute petite partie de ce qu’on voulait…)

Nous avions décidé de partir de la Cathédrale de Saint John the Divine – le point le plus haut qu’on ait visité jusque-là – et de remonter tranquillement vers le Nord. Résultat, juste à côté du métro 125th St par lequel on est arrivées, il y avait le stock Gap… Donc voilà on s’y est perdues pendant quelques temps, on s’est achetées des pulls, puis on est sorties et on voulait aller en face, voir l’Apollo Theater (je vous en parle un peu plus dans une minute), quand nous avons fait une rencontre d’un autre monde (enfin, j’aimerais bien que ce ne soit pas de notre monde…) !

Ça commençait plutôt innocemment, nous étions sur le trottoir, Roxane prenait des photos et je sortais mon téléphone pour en faire de même quand un jeune homme, l’air sympathique, attire mon attention et nous aborde pour nous parler de sa musique. Il nous explique qu’il vient tous les jours vendre ses CD ici, sur le trottoir, en performant devant les gens et qu’il parvient ainsi à en vendre une cinquantaine par jour. Il vend son CD 10$ (bien qu’on vienne de le voir en vendre un 5$ à un autre black), il y a dessus 19 chansons de rap et de R’nB, et il nous demande ce qu’on aimerait qu’il nous chante : rap ? R’nB ? freestyle ? etc.

On ne sait pas trop quoi répondre, le rap c’est pas trop notre truc mais bon, il est sympathique et il insiste, nous disant que les touristes blancs ne sont jamais très aimables avec lui et font souvent semblant de ne pas parler anglais pour l’éviter. Roxane lui demande finalement un freestyle et le voilà qui improvise un court rap devant nous, plutôt bien, fluide et avec une bonne énergie. Il tente à nouveau de nous vendre son album et je lui dis que je ne l’achèterai pas car je n’apprécie pas suffisamment le rap, que je ne l’écouterais sans doute pas et que ce serait dommage, et que puisqu’il est doué, il ferait mieux de le vendre à quelqu’un qui aime vraiment ce style de musique.

Il se tourne vers Roxane, tente de plus belle avec elle, qui dit plus ou moins la même chose que moi, et là le mec – toujours avec le sourire et l’attitude sympathique vu de l’extérieur – nous dit qu’en fait on est raciste, qu’on n’aime pas la musique de noirs, qu’on vient à Harlem, SON quartier, pour photographier les chanteurs blacks (je crois qu’il parlait du street art dans le quartier qui fait honneur aux légendes du Jazz et du Blues) mais à quoi ça sert si on n’aime pas leur musique et qu’on soutient pas les artistes blacks.

On a essayé de lui expliquer qu’on aime le Blues, et le Jazz, et Louis Armstrong, Ella Fitzgerald, James Brown, Nina Simone… On a essayé de lui dire que ça n’était en rien contre lui, que c’était juste que le rap et le R’nB, c’est pas notre style de musique, c’est tout. On a essayé de lui dire… Mais il n’écoutait pas, nous coupait la parole, nous a traité en gros de petites filles blanches gâtées et racistes qui venaient à Harlem pour photographier des noirs comme on va au zoo photographier des singes. On a essayé de lui dire que nous aussi, on était artistes, et qu’on savait un peu ce que c’était que de galérer pour faire reconnaître son art – ce à quoi il nous a répondu : « Vous les blancs vous pouvez pas savoir ce qu’un black vit, et les blacks ce sont les seuls vrais artistes. » et on a compris que ça servait à rien de discuter et qu’il ne nous entendrait jamais, il vivait dans un monde noir et blanc…

On est parties. On n’a plus osé prendre de photos dans la rue. On était énervées et blessées. Oui, nous sommes blanches. Oui nous sommes des touristes européennes, ce qui signifie que nous avions au moins assez d’argent pour nous permettre ce voyage. Oui nous prenons des photos, tout le temps. Faut comprendre, New York c’est exotique pour nous, c’est un rêve, et la photographie on aime ça. Donc oui on prend des photos, et pas qu’à Harlem. Est-ce qu’on considère les gens que l’on croise – les noirs de Harlem ou de Bedford-Stuyvesant, les juifs de Flushing, les hipsters de Williamsburg – comme des animaux à photographier ? Non, absolument pas. Et j’espère, j’espère! qu’on ne donne pas cette impression. Nous sommes curieuses et nous voulons découvrir les quartiers et les communautés qui font de New York ce qu’elle est. Il me semble que c’est plutôt positif et respectueux.

J’aurais envie, là tout de suite, de répondre à ce jeune homme (puisqu’il ne me le permettait pas en direct) qu’il n’y avait que lui qui parlait de noirs et de blancs ce matin. Que c’est lui qui est raciste puisque qu’il ramène tout – qu’on essaye de lui parler de goûts musicaux, de talent ou d’art – à la « race » (comme si ce mot avait encore un sens). Qu’il semblait se complaire dans sa victimisation au point de ne pas écouter un mot de ce que nous essayions de lui dire (il me répétait : « Mon père est flic à Central Park », « Je suis allé à l’université », comme si son statut social et son niveau d’études avaient un quelconque rapport avec notre perception de lui, comme si on pensait que parce qu’il était noir il était pauvre et n’avait pas fait d’études, et comme si tout cela avait un quelconque rapport avec sa musique et notre volonté d’acheter son album…), et qu’à aucun moment il ne nous a considérées comme des individus distincts avec des histoires et des personnalités différentes, mais toujours comme des « blanches » (et du coup riches… ça on aimerait bien que ce soit vrai…). Et oui, c’était rageant et blessant parce que putain, pourquoi est-ce qu’on en est encore là en 2015 ?! Je sais que c’est hyper naïf de ma part mais bordel, en quoi la putain de couleur que les gens portent sur leur peau (sans la choisir qui plus est !) a encore une importance quelconque de nos jours ? C’est franchement hallucinant…

Bref, je sais que ça faisait sans doute plus qu’une minute mais bon, ça m’a fait du bien ! Donc voilà, nous sommes entrées dans l’Apollo Theater suite à cette expérience désagréable.

L’Apollo, c’est une salle de concert très reconnue à Harlem, notamment grâce à son « Amateur Night » (tous les mercredis soirs) où qui le souhaite peut venir chanter et où le public juge les performances très énergiquement, en applaudissant ou en huant, d’où le slogan « Be Good or Be Gone » (Sois bon ou dégage). L’Apollo a ainsi vu débuter, dans son Amateur Night, des gens tels que Ella Fitzgerald, James Brown, Billie Holiday, The Supremes, Diana Ross, The Jackson 5, Marvin Gaye, Stevie Wonder, Aretha Franklin, Mariah Carey, Jimi Hendrix, et j’en passe, ce qui fait que la devise du théâtre est « where stars are born and legends are made » (là où les stars naissent et les légendes se font). Un mec très gentil nous a accueilli et nous a présenté la réplique du tree of hope dans le hall. Le tree of hope, c’est un morceau de l’arbre qui était devant le Lafayette Theater sur la 7e Avenue et que les artistes touchaient avant de passer en scène pour avoir de la chance. Lorsque l’arbre a été coupé, des buches ont été distribuées dans différents théâtres de Harlem, dont l’Apollo, où elle est posée sur un piédestal sur le côté de la scène et n’a pas bougé depuis les années 30. Autant vous dire que de nombreuses légendes de la musique ont profité de sa chance ! Nous, on a vu juste la réplique dans le hall. Le mec de l’accueil nous a conseillé de revenir un mercredi soir pour Amateur Night. Ca nous dirait bien mais je sais pas si on aura le temps de le faire !

Après nous nous sommes dirigées vers Saint John the Divine en passant par Morningside park où nous avons croisé, entre autre, cette statue d’un ours et d’un faune :

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(La jolie tortue sur son rocher)

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(cache-cache écureuil)

Si on voulait refaire un tour du côté de Saint John the Divine c’était pour voir deux-trois trucs qu’on avait loupé la dernière fois, comme ça par exemple :

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Ca s’appelle The Portals of Paradise (Les portes du Paradis) et ce sont des sculptures de personnages bibliques à l’extérieur de l’église. Parmi ces personnages bibliques, sept prophètes, et, à la base des piliers sur lesquels ils se tiennent debout, on peut voir une représentations moderne de leurs prophéties. Par exemple, Ezekiel se dresse sur des crânes grimaçants, une interprétation de sa Vallée des ossements secs. Cependant, ce qui fait que la cathédrale a une réputation d’église païenne, voire satanique, ce sont les piliers d’à côté : sur l’un, le Brooklyn bridge s’effondre et un bus sombre jusqu’aux enfers, sur l’autre un champignon atomique engouffrent Manhattan et les Twin Towers, en flammes, penchent dangereusement. La sculpture a été achevée en 1997.

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On a fait le tour de la cathédrale…

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Puis, comme Pauline voulait absolument une photo des bagels d’Absolute Bagels, on s’est senties obligées d’aller en racheter…

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(Voilà, on s’est un peu forcées, hein !) 😉

Et on a aussi mangé des cookies de la Levain Bakery, qui sont une tuerie intersidérale, énormes, croustillants à l’extérieur et ultra-moelleux à l’intérieur… Je vous raconte même pas…

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Puis nous sommes remontées vers la Columbia University. C’est absolument immense et les bâtiments sont magnifiques (ça fait un peu le même effet que les écoles privées britanniques, vous savez, celles qui ressemblent à Poudlard : tu te dis que quand meme, ça doit être la classe d’étudier là !). On y a croisé l’Alma Mater qui est le symbole de l’alimentation de l’esprit estudiantin, c’est une statue de la déesse de la sagesse et de la guerre, Minerve. Son vêtement représente l’enseignement théorique, les flammes sur ses accoudoirs se nomment Doctrina (Apprentissage) et Sapientia (Savoir), et, si l’on cherche bien (mais il faut vraiment chercher !) on peut trouver, dans les replis de la robe de Minerve, sa chouette Glaucus (impossible à photographier correctement, elle est trop bien cachée… j’ai essayé…).

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Sorties du campus, nous sommes allées près de l’Hudson, au niveau de la 129th St, à la recherche d’un vieux tunnel qu’on n’a jamais trouvé (mais qu’on cherchera encore, si on a le temps), puis on a marché, loooongtemps (15km encore aujourd’hui), jusqu’à retrouver un métro pour rentrer…

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Voilà, je suis crevée alors je vous laisse,
Des bisous les loulous !

Gabrielle

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8 réflexions sur “Harlem shake

  1. J’ai fini de lire l’article que j’ai commencé ce matin, superbe la statue de Minerve et merci pour les détails !!!

    Quand à l’autre avec ses CDs fallait lui en acheter un .. et lui jeter à la tête 😀 ! Hollywood Style !!

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    1. Joyeux anniversaire Gabi, ( je sais on est le 22 mais il n’est jamais trop tard) un bel article et des belles photos. Ne te prends pas la tête avec les déséquilibrés qui croiseront ta route, car malheureusement il y en a pas mal. Gare à la tuerie intersidérale, bonjour les calories. Bisesssssssssssss

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